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Intégration régionale : Processus de Barcelone et Union pour la Méditerranée, quels scénarios d'avenir?

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Intégration régionale : Processus de Barcelone et Union pour la Méditerranée, quels scénarios d'avenir? Empty Intégration régionale : Processus de Barcelone et Union pour la Méditerranée, quels scénarios d'avenir?

مُساهمة من طرف said الثلاثاء 5 يناير 2010 - 7:03

Auteur : Jean-François Jamet
: Ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure et de l’Université Harvard
et économiste, il enseigne à Sciences-Po (www.jf-jamet.eu).


Résumé :
Le processus de Barcelone, lancé en novembre 1995, définit un cadre et
des projets de coopération entre les pays du pourtour méditerranéen,
notamment dans le domaine de la sécurité, du développement et de la
culture. Ce partenariat euro-méditerranéen présente toutefois de
nombreuses limites. Le président français Nicolas Sarkozy a proposé
quelques mois après son élection la création d'une "Union
méditerranéenne" (UM), rebaptisée par la suite "Union pour la
Méditerranée" (UPM). Inscrite dans la continuité du processus de
Barcelone, l'UPM constitue une occasion de relancer l'intégration
euro-méditerranéenne. L'UPM doit créer les conditions politiques et
institutionnelles de l'intégration régionale. Cela suppose de
développer des projets à la hauteur des défis économiques, écologiques
et humains existants. De là dépend le succès de l'Union pour la
Méditerranée en tant que processus d'intégration régionale.


Introduction :
Peut-on définir la coopération euro-méditerranéenne comme un projet
d'intégration régionale ? La question peut paraître provocatrice mais
elle mérite d'être posée. Il est indéniable que le processus de
Barcelone, lancé en 1995, définit un cadre et des projets de
coopération entre les pays du pourtour méditerranéen, notamment dans le
domaine de la sécurité, du développement et de la culture. Pour autant,
il n'était pas clair jusqu'à présent que ces mécanismes de convergence
s'accompagnent d'une volonté assumée de construire un ensemble régional
intégré, notamment commercialement, et doté d'institutions propres.
L'un des moyens d'identifier une organisation régionale est en général
l'existence d'une zone de libre-échange. Or, cette zone n'existe pas
dans le cas méditerranéen et l'objectif de la créer à l'horizon 2010
paraît peu réaliste. Des accords d'association ont certes été signés
entre l'Union européenne et certains pays du sud et de l'est de la
Méditerranée mais l'approche reste bilatérale et la libéralisation des
échanges Sud-Sud rencontre de nombreux obstacles. L'impression qui se
dégage est ainsi que la coopération euro-méditerranéenne a été
jusqu'ici une forme de la politique extérieure de l'Union européenne
avant d'être un processus d'intégration de l'ensemble de la région. La
coopération méditerranéenne a néanmoins permis des rapprochements et la
création de liens de part et d'autre de la Méditerranée. Est-il
possible de capitaliser dessus et de faire de l'Union pour la
Méditerranée (UPM) un véritable projet d'intégration régionale ?

Si l'intention de mener des projets concrets et consensuels, de
garantir l'équilibre Nord-Sud et de doter l'UPM d'un secrétariat
permanent a été soulignée, le défi de l'intégration régionale dans le
cadre de l'UPM rencontrera certains obstacles qui avaient déjà freiné
le Processus de Barcelone : avec 43 Etats membres, dont certains sont
en conflits, le risque est grand que l'UPM ne se transforme en simple
forum d'une efficacité limitée, et il faut par ailleurs clarifier les
relations entre deux ensembles régionaux qui ne peuvent être
concurrents mais qui s'entrecroisent, l'Union européenne et l'UPM. Or
il est souhaitable qu'un véritable processus d'intégration régionale
soit lancé, de façon à créer les solidarités de fait et la confiance
qui favoriseront le développement économique et garantiront à long
terme la stabilité politique et sociale de la région. Les pays
riverains de la mer Méditerranée ne peuvent s'ignorer : les
interdépendances (environnement, énergie, migrations, sécurité,
commerce) sont trop fortes.

Après avoir présenté les piliers des processus d'intégration régionale
et la spécificité du cas méditerranéen, la contribution qui suit
examine l'héritage du Processus de Barcelone et les apports du projet
de l'UPM. Elle pose ensuite la question du futur de la Méditerranée en
présentant les conditions requises pour en faire un ensemble régional
intégré.

1.Les piliers des processus d'intégration régionale et la spécificité du cas euro-méditerranéen

1.1.Le socle commun des processus d'intégration régionale

Il existe actuellement à travers le monde plusieurs exemples
d'intégration régionale : l'Union européenne (initiée par la Communauté
européenne du charbon et de l'acier en 1951, puis par la Communauté
économique européenne en 1957), l'Association des Nations de l'Asie du
Sud-est (ASEAN, 1967), le système d'intégration centre-américain (SICA,
1991), l'Accord de libre échange nord-américain (ALENA, 1994), la
Communauté caribéenne (1973), ou encore le Mercosur (1991) et la
Communauté andine (1969) qui fusionnent cette année dans l'Union des
nations d'Amérique du Sud. L'analyse de ces expériences permet
d'identifier quelques traits caractéristiques des processus
d'intégration régionale :

- un contexte favorable à leur mise en place (pas de conflits ouverts,
existence d'un dialogue politique régulier). Nombre des initiatives de
régionalisation sont nées après la résolution de conflits régionaux.
L'Union européenne et l'Amérique centrale [2] en sont de bons exemples.

- un terreau culturel commun. La conscience de partager une histoire et
un héritage culturel, parfois une langue et des valeurs, est un élément
qui facilite l'acceptation des processus d'intégration par les opinions
publiques en créant les bases minimales d'une identité régionale.

- la reconnaissance de ce que peut apporter l'intégration régionale. La
régionalisation suppose que les acteurs nationaux prennent conscience
des limites de la rivalité politique et économique et des bénéfices à
attendre de la création de liens commerciaux et institutionnels. Si
l'Union européenne a servi de modèle dans plusieurs régions, notamment
l'Amérique latine, c'est parce que l'intégration régionale s'est vue
reconnaître la capacité d'assurer un espace de sécurité et de paix tout
en favorisant le développement des échanges commerciaux.

- une méthode et un leadership politique. Les processus d'intégration
régionale supposent une volonté politique forte au plus haut niveau
pour dépasser les tentations de repli protectionniste ou nationaliste.
Leur succès dépend aussi de la capacité à s'entendre sur une méthode
susceptible de favoriser la prise de décision et sur les modalités de
fonctionnement de l'organisation régionale. Le rôle de la méthode des
"petits pas" adoptée par les Pères fondateurs de l'Union européenne est
exemplaire à cet égard.

- la mise en place d'une zone de libre échange. Tous les exemples
d'intégration régionale reposent sur la libéralisation des échanges,
laquelle permet de créer des solidarités de fait et des intérêts
communs. Les zones de libre échange, qui évoluent parfois vers des
unions douanières, sont ainsi un moyen très concret de promouvoir la
stabilité politique et économique. Elles permettent de créer un marché
commun plus large qui favorise le développement des entreprises (au
travers du jeu des économies d'échelle) et attire les investissements
directs étrangers, deux éléments qui contribuent à une insertion plus
aisée des économies locales dans la mondialisation.

1.2.Les spécificités du cas méditerranéen

S'il est possible de tirer les enseignements des autres expériences
d'intégration régionale, il faut aussi souligner quelques spécificités
du cas euro-méditerranéen. Tout d'abord, il s'agit d'un ensemble très
vaste et divers. D'après le projet existant, l'UPM devrait compter 43
pays membres dès ses débuts, ce qui est considérable. Par comparaison,
l'Union européenne comptait initialement 6 membres, le Mercosur 4,
l'ALENA 3, l'ASEAN 5. Même l'APEC (Coopération économique pour
l'Asie-Pacifique), qui a désormais 21 membres, n'en comptait
initialement que 12, et ses réalisations sont limitées (elle n'est pas
encore parvenue à créer une zone de libre échange par exemple). Le
nombre est un handicap car il rend plus difficile l'adoption d'un
consensus et plus lentes les décisions. Dans le cas du pourtour
méditerranéen, les pays concernés sont en outre extrêmement divers.
S'ils partagent un héritage historique et géographique commun (celui de
la mer Méditerranée), leurs niveaux de développement, leurs régimes
politiques, et leurs modes de vie sont parfois très différents. A cela
s'ajoute l'existence de conflits ouverts, par exemple entre Israël et
la Palestine, entre la Turquie et Chypre ou encore au Liban. Non
seulement la prise de décision est rendue plus difficile par ses
caractéristiques, mais le processus d'intégration de la Méditerranée
part de loin en termes d'hétérogénéité des pays qui la composent.

Par ailleurs, l'UPM se trouve dans une situation particulière en raison
de l'existence de l'Union européenne. Il faut donc définir les
relations entre les deux ensembles régionaux. C'est une situation
relativement rare. Celle de l'ASEAN et de l'APEC s'en rapproche mais
tous les pays membres de l'ASEAN ne sont pas membres de l'APEC (cf.
Birmanie et Laos). Dans le cas de l'Union des nations d'Amérique du
Sud, la situation est également différente puisqu'il s'agit
essentiellement de fusionner deux organisations régionales. La
difficulté propre de l'UPM est de réunir dans un même ensemble
l'organisation régionale la plus intégrée du monde et un ensemble de
pays qui ont peu de relations entre eux par comparaison à l'importance
de leurs relations avec l'Union européenne. Le succès de l'Union
européenne stimule le désir d'intégration des pays du pourtour
méditerranéen, mais l'UE introduit aussi un déséquilibre à la fois
politique et économique. L'un des défis de l'UPM est donc de réussir à
faire de l'UPM plus que la simple somme des relations bilatérales des
pays méditerranéens avec l'Union européenne.

2.Les limites du Processus de Barcelone et l'initiative de l'Union pour la Méditerranée

2.1.Le Processus de Barcelone et ses limites

2.1.1.Les ambitions du Processus de Barcelone

Le Processus de Barcelone, initié en novembre 1995, a créé un
partenariat euro-méditerranéen dont le but est de concilier le besoin
de sécurité de l'Europe et les besoins de développement des pays du sud
et de l'est de la Méditerranée. Il formalise ainsi les relations entre
l'Union européenne et dix de ses voisins méditerranéens : l'Algérie,
l'Egypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Syrie, la
Tunisie, la Turquie et l'Autorité palestinienne. La Lybie et l'Irak
avaient jusqu'ici le statut d'observateurs. Ambitieux, le processus de
Barcelone s'est donné pour objectif de fonder un espace de stabilité et
de paix respectueux des droits de l'Homme (volet politique), de
développer les échanges culturels pour favoriser le dialogue et la
compréhension mutuelle (volet culturel), et de promouvoir les relations
économiques et financières, au travers notamment de la mise en place
d'une zone de libre échange à l'horizon 2010 (volet économique). Le
Processus de Barcelone avait donc clairement une visée d'intégration
régionale à ses débuts, en tout cas il aspirait à en poser certaines
des bases essentielles, comme un terreau culturel commun, un dialogue
politique régulier et la libéralisation des échanges commerciaux.

2.1.2.Quelques avancées non négligeables

Les réalisations du processus de Barcelone ont fait l'objet d'un bilan
en 2005 à l'occasion du dixième anniversaire du partenariat [3].
Certaines avancées doivent être soulignées. Tout d'abord, des accords
d'association ont été signés entre l'Union européenne et chacun des
autres membres. Ces accords couvrent un grand nombre de domaines de
coopération et sont organisés autour des volets mentionnés
précédemment. Dans le domaine économique, par exemple, ils suppriment
les barrières douanières de l'Union européenne sur les produits
manufacturés exportés par ses voisins méditerranéens et ils prévoient
le démantèlement progressif (sur 12 ans) des tarifs douaniers appliqués
aux produits manufacturés de l'Union dans ces pays. Pour ce qui est des
relations sud-sud, l'accord d'Agadir de 2004 pose les bases d'une zone
de libre-échange réunissant le Maroc, la Tunisie, l'Egypte et la
Jordanie. La Turquie a également signé des accords de libre-échange
avec le Maroc, la Tunisie et l'Autorité palestinienne. De plus, un
système de cumul de l'origine a été adopté au niveau euro-méditerranéen
lors de la Conférence de Palerme en 2003. Ce système permet aux
produits qui ont subi des transformations dans plusieurs pays
méditerranéens de bénéficier plus facilement d'avantages tarifaires.
Dans le domaine des services, la Conférence d'Istanbul en 2004 a initié
un processus de libéralisation des échanges dans le domaine des
services. Enfin, des efforts ont été réalisés pour commencer à réduire
les barrières non tarifaires au commerce.

D'autres progrès ont été rendus possibles par le processus de
Barcelone. Dans le domaine financier, des instruments importants ont
été mis en place, comme le programme MEDA par lequel l'Union européenne
apporte une aide financière et technique à ses partenaires
méditerranéens pour favoriser les projets de développement économique
et social. Près de 9 milliards € ont ainsi été engagés sur la période
1995-2006. En 2007, MEDA a été remplacé par l'Instrument européen de
voisinage et de partenariat. Par ailleurs, une Facilité
euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat (FEMIP) a été
créé en 2002. Financée par la Banque européenne d'investissement et
l'UE, la FEMIP vise à développer l'activité économique du secteur privé
et à faciliter l'accès des PME au financement au travers de prêts et de
subventions.

Dans le domaine culturel et éducatif, trois programmes ont été
réalisés. Euromed Héritage vise à préserver le patrimoine culturel. Le
programme jeunesse promeut les échanges de jeunes et la formation des
travailleurs socio-éducatifs. Enfin, le programme audiovisuel soutient
la diffusion et la production de films euro-méditerranéens. En outre,
la Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les
cultures a été inaugurée en juin 2004 à Alexandrie. Elle dispose d'un
budget de 10 millions € pour encourager le dialogue culturel entre le
nord et le sud de la mer Méditerranée, organiser des activités
culturelles et promouvoir les échanges, la coopération et la mobilité
des personnes.

Sur le plan politique, la dimension régionale du partenariat a été
renforcée grâce à la réunion régulière des ministres des Affaires
étrangères ou du Commerce extérieur, mais aussi grâce à l'instauration,
en 2004, de l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne. Cette
Assemblée est composée de 240 membres, représentant à parité les
parlements de l'Union européenne et les parlements des pays partenaires
de la Méditerranée. Les dix pays méditerranéens sont représentés par
120 membres, les parlements nationaux des pays de l'Union européenne
par 75 membres, le Parlement européen par 45 membres. Enfin, des forums
réunissant les ONG et destinés à favoriser le rapprochement des
sociétés civiles ont été mis en place. Ainsi une plate-forme non
gouvernementale pour le Forum civil EuroMed, qui réunit plusieurs
centaines d'organisation, a vu le jour en 2003.

2.1.3. Les limites du partenariat euro-méditerranéen

Malgré les avancées mentionnées, le Processus de Barcelone présente
d'importantes limites : les écarts de développement n'ont pas été
réduits substantiellement [4],
les pays méditerranéens hors UE continuent de souffrir d'une faible
attractivité pour les investisseurs, aucun progrès sensible n'a été
réalisé sur le plan de la paix et de la stabilité politique, les Etats
du sud ont fait peu d'efforts pour se rapprocher et dépasser leurs
rivalités, enfin les initiatives culturelles ou académiques n'ont pas
empêché la stigmatisation des pays arabes et de l'Islam à la suite des
attentats terroristes des années 2000. La méthode a également fait
l'objet de critiques en raison du manque d'implication des populations,
de l'absence de secrétariat permanent et du déséquilibre nord-sud.

Il est aussi frappant de constater que le Processus de Barcelone n'est
qu'un instrument parmi d'autres de la coopération euro-méditerranéenne,
ce qui nuit à sa lisibilité. Parmi les autres dispositifs existant
figurent :
- la politique européenne de voisinage ;
- la politique d'élargissement de l'Union vers des candidats à l'adhésion comme la Croatie ou la Turquie ;
- le processus de stabilisation des Balkans ;
- l'union douanière avec la Turquie ;
- la participation de certains Etats méditerranéens à des programmes
communautaires comme Erasmus Mundus dans le domaine de l'enseignement
supérieur ou le Programme cadre de recherche et de développement ;
- le dialogue 5+5 entre les pays méditerranéens de l'UE et les pays du Maghreb.
En particulier, la politique européenne de voisinage a favorisé le
développement de la coopération bilatérale entre l'Union européenne et
ses voisins méditerranéens, par exemple dans les domaines de l'énergie
(avec l'Algérie et le Maroc), de l'immigration et de la sécurité.
Cependant, ce développement des relations bilatérales rend d'une
certaine façon plus difficile l'intégration régionale, chaque pays
cherchant à construire une relation privilégiée avec l'Union
européenne.

Par ailleurs, le Processus de Barcelone a montré des limites en matière
d'intégration commerciale, qui constitue l'un des piliers de
l'intégration régionale. Si plus de 50% des échanges commerciaux de la
région s'effectuent avec l'Union européenne, la fragmentation
persistante des marchés du sud et de l'est de Méditerranée limite les
échanges intrarégionaux (moins de 15% du total) et les investissements
directs étrangers. Les pays méditerranéens hors UE réalisent du reste
une faible part des exportations mondiales (3,2% en 2006) et leurs
barrières douanières restent parfois élevées, particulièrement au
Maghreb : le tarif douanier moyen appliqué aux importations est ainsi
de 20,2% en Tunisie, de 18,9% au Maroc et de 12% en Algérie. Des
progrès importants ont été enregistrés dans le domaine des produits
manufacturés, mais beaucoup reste à faire, notamment dans le domaine
des produits agricoles et des services ainsi que dans celui de la
réduction des barrières non tarifaires (qui suppose une convergence des
normes et prescriptions techniques). Dans ce contexte, la perspective
d'une zone de libre-échange en 2010 paraît peu réaliste.

2.1.4.L'Union pour la Méditerranée : de la coopération à l'intégration ?

Constatant les insuffisances des dispositifs de coopération existants,
le président français Nicolas Sarkozy a proposé la création d'une
"Union méditerranéenne". D'abord formulé dans le cadre d'une campagne
électorale, ce projet a été progressivement détaillé dans les discours
du président lors de ses visites officielles dans les pays
méditerranéens [5] et dans un rapport d'information de l'Assemblée nationale [6].
Réunissant les Etats riverains de la Méditerranée, l'Union
méditerranéenne était conçue comme une union politique fondée sur la
parité entre les participants (dans le cadre d'un processus de
codécision), sur la réunion régulière des chefs d'Etat, sur la création
d'un secrétariat et sur l'adoption d'une présidence bicéphale partagée
par les pays du nord et du sud. Ce format devait permettre de passer
d'un système de coopération à un projet d'intégration et d'associer les
pays méditerranéens dans le cadre de projets concrets et consensuels [7] :
- l'environnement et la gestion de l'eau : dépollution de la mer
Méditerranée, développement de l'accès à l'eau potable, rechargement
des nappes phréatiques et amélioration des systèmes d'irrigation,
protection des ressources halieutiques, préservation des littoraux et
exploitation de l'énergie solaire ;
- l'échange des savoirs : renforcement de la formation des jeunes et
des échanges universitaires, création d'un espace scientifique
méditerranéen, mise en place d'un Institut universitaire
euro-méditerranéen ;
- le développement des échanges et le soutien à l'émergence de
nouvelles entreprises : développement d' "autoroutes maritimes",
création d'un fonds de garantie et de fonds propres pour les PME,
lancement d'un fonds méditerranéen de co-développement des
infrastructures. ;
- la sécurité : création d'un mécanisme de protection civile pour développer la solidarité face aux risques naturels.

Ce projet a suscité beaucoup de réactions, positives ou négatives, de
la part des partenaires européens et méditerranéens de la France ainsi
que des intellectuels. La plupart s'accordent à reconnaître la
nécessité d'une relance de la coopération euro-méditerranéenne et
l'utilité de l'appuyer sur la mise en œuvre de projets concrets et sur
l'égalité des participants. Cependant, de nombreuses critiques ont été
soulevées, relevant plusieurs faiblesses du projet :
- l'imprécision du contenu et des moyens de financement ;
- les partenaires européens de la France, au premier rang desquels
l'Allemagne, se sont inquiétés de l'articulation de l'Union
méditerranéenne avec les politiques européennes existantes et ont voulu
être associés au projet à parité avec les Etats membres riverains de la
Méditerranée ;
- plusieurs Etats européens ont soupçonné la France de vouloir
promouvoir ses propres intérêts en Méditerranée tout en utilisant les
fonds d'aides communautaires pour financer le projet ;
- la Turquie s'est d'abord opposée à la proposition française,
craignant qu'elle ne soit conçue comme un moyen de lui offrir une
alternative à l'adhésion à l'Union européenne.

Ces réticences ont conduit la France à modifier sa proposition :
l'Union méditerranéenne en préparation est ainsi devenue "l'Union pour
la Méditerranée". Pour répondre aux critiques de ses partenaires
européens, la France a cherché un compromis avec l'Allemagne. Les deux
pays ont ensuite présenté un texte commun au Conseil européen du 13
mars 2008, qui a permis de recueillir l'adhésion des Etats membres de
l'Union et de la Commission européenne. Ce texte propose la création
d'une Union pour la Méditerranée, conçue désormais comme "un projet de
l'Union européenne avec les pays sud de la Méditerranée", selon la
formule de la chancelière allemande Angela Merkel [8].
Elle est destinée à prolonger le processus de Barcelone en lui
redonnant une impulsion, comme le souligne le titre de la récente
Communication de la Commission à ce sujet : "Processus de Barcelone :
Union pour la Méditerranée" [9].
Du projet français initial, l'ambition subsiste, de même que le
secrétariat permanent, la présidence bicéphale et la volonté de mettre
en œuvre des projets concrets, mais la continuité avec le partenariat
euro-méditerranéen existant l'emporte. De ce fait, les conditions de la
relance restent dans un flou relatif.

3.L'avenir de la Méditerranée : les conditions du succès de l'intégration des pays du pourtour méditerranéen

Le succès de l'Union pour la Méditerranée en tant que processus
d'intégration régionale reposera d'abord sur sa capacité à créer le
socle commun présenté dans la première partie de cette contribution,
tout en tenant compte des conditions particulières de l'espace
euro-méditerranéen.

3.1.Un défi institutionnel et politique

L'UPM doit créer les conditions institutionnelles et politiques de
l'intégration régionale. En tant que telle, elle crée une fenêtre
d'opportunité et un contexte favorable à des décisions courageuses et
ambitieuses. La rupture avec les inefficacités actuelles dépendra de la
capacité à lancer des projets clairs avec des financements conséquents
et un soutien politique fort. Par ailleurs, la simplification du
fonctionnement institutionnel est essentielle pour garantir
l'efficacité de la prise de décision dans une UPM à 43 membres. La
création d'un secrétariat permanent et d'une coprésidence est de ce
point de vue une excellente chose, car elle permettra d'assurer une
continuité et un leadership dans le partenariat euro-méditerranéen.
Au-delà de cette seule initiative, il faut pouvoir contourner
l'obstacle du nombre. Pour cela, il serait utile que les 27 Etats
membres de l'Union européenne acceptent une représentation commune au
sein de l'UPM, de façon à limiter le nombre de participants aux
réunions, à alléger le processus de décision et à assurer que l'Union
européenne parle d'une seule voix (ce qui serait cohérent avec
l'adoption d'une politique extérieure commune de l'Union en
Méditerranée). Ce simple élément ramènerait le nombre de personnes
autour de la table à 16 (voire à 15 avec l'élargissement de l'Union
européenne à la Croatie). Une autre initiative utile serait de
permettre la différenciation dans les projets d'intégration régionale,
de façon à ce que les rivalités et les conflits existants ne soient pas
des obstacles insurmontables comme ils ont pu l'être parfois dans le
cadre du Processus de Barcelone. Il est important de remarquer que la
différenciation est présente dans l'Union européenne elle-même comme en
témoigne les exemples de la zone euro et de l'espace Schengen.

Un autre élément important est d'assurer la lisibilité de l'UPM pour
les citoyens et d'associer la société civile et ses représentants
politiques. La lisibilité de l'UPM passe par une communication active
et par une simplification des objectifs de l'UPM. Il faut en effet
éviter l'erreur consistant à vouloir multiplier les initiatives et les
objectifs, qui diluent l'action et le discours. L'UPM ne peut ni ne
doit tout faire. Elle a tout à gagner à travailler en partenariat avec
d'autres acteurs importants localement (par exemple la Banque mondiale)
pour coordonner les politiques d'aide au développement et apporter une
aide technique visant à stimuler la simplification administrative et la
lutte contre la corruption. De plus, l'adoption de symboles, comme un
drapeau (l'olivier a été par exemple été proposé comme symbole
d'union), peut contribuer à la visibilité de l'UPM et à la création
d'un sentiment d'appartenance. La plupart des organisations régionales
disposent d'ailleurs d'un drapeau. Des initiatives permettant
d'associer la société civile, par exemple la création d'un forum des
chefs d'entreprises, seraient aussi pertinentes. Enfin, il semble
essentiel de confier des responsabilités plus importantes (rôle de
proposition et d'évaluation des projets en cours) à l'Assemblée
parlementaire euro-méditerranéenne. C'est une nécessité pour donner une
impulsion de long terme à l'Union pour la Méditerranée.

3.2.Aboutir à la création d'une zone de libre-échange

L'intégration régionale de la Méditerranée sera effective le jour où
elle constituera une zone de libre-échange. Pour y parvenir, il serait
utile d'utiliser les possibilités de la différenciation : les Etats les
plus intéressés qui souhaitent aller plus vite sur ce terrain doivent
pouvoir le faire, les autres Etats méditerranéens restant bien sûr
libres de les rejoindre à tout moment. Il convient donc de définir un
calendrier de finalisation d'une zone euro-méditerranéenne de
libre-échange avec des conditions préalables en termes de suppression
des barrières douanières et un calendrier précis de suivi et de
décision. Ceci supposera un processus d'accompagnement et de
coopération rapprochée dans le domaine de l'agriculture, des services
et de l'harmonisation législative. L'expérience acquise dans le cadre
des élargissements de l'Union européenne permet d'envisager un tel
processus avec confiance.

3.3.Créer des projets concrets favorisant l'intégration régionale

L'intégration intrarégionale des pays du sud et de l'est de la mer
Méditerranée est un enjeu de premier ordre. Une partie des financements
disponibles devraient être utilisés pour piloter des projets
d'intégration entre pays voisins au travers de la mise en place
d'infrastructure de transport et de communication. La mise en place de
réseaux logistiques efficaces et le développement de l'accès à Internet
doivent être considérés comme des priorités. Ceci favoriserait en effet
l'intégration commerciale des pays du bassin méditerranéen, qui
permettrait aux entreprises de réaliser des économies d'échelle et de
se développer plus facilement.

Par ailleurs, les projets suggérés par la France en matière de
protection du patrimoine maritime commun et de capacité de prévention
et de réaction face aux risques naturels doivent être lancés
rapidement, notamment parce qu'ils favoriseront le tourisme, ressource
importante pour tous les pays de la Méditerranée, et parce qu'ils
protègent les conditions de vie des citoyens. Le développement des
infrastructures et des échanges en matière d'énergie est également
essentiel, notamment dans le contexte actuel. L'eau et l'énergie
peuvent être le charbon et l'acier de la Méditerranée.

3.4.Un défi démographique et éducatif

Avec 470 millions d'habitants, les pays riverains de la Méditerranée
réunissent une population presque aussi nombreuse que celle de l'Union
européenne. Les pays méditerranéens issus de l'UE comptent pour 40% de
cette population. Les pays du bassin méditerranéen font cependant face
à un défi démographique asymétrique. D'un côté, les pays européens sont
confrontés à une stagnation de leur croissance démographique et au
vieillissement de leur population, de l'autre les pays des rives sud et
est connaissent une rapide croissance de leur population et les jeunes
y occupent une place très importante dans la pyramide des âges. À
l'horizon 2050, les pays méditerranéens compteront 615 millions
d'habitants, mais les 27 Etat membres de l'Union européenne n'en
représenteront plus que 30%.

La Méditerranée fait donc face à un défi démographique considérable,
avec toutes ses conséquences possibles en termes de sous-emploi et de
pressions migratoires. Ce défi est plus largement celui du capital
humain car le niveau d'éducation est un point faible des pays de la
rive sud de la mer Méditerranée. Certains pays ont par exemple un taux
d'analphabétisme [10]
très élevé, comme le Maroc (43%), l'Algérie (30,1%), la Tunisie
(25,7%), l'Egypte (28,6%) ou encore la Syrie (19,6%). Le financement
d'infrastructures éducatives et la formation des adultes doivent donc
faire l'objet d'un effort particulier, au même titre que les PME, dans
les projets d'aide de l'UPM. Les propositions françaises dans ce
domaine sont bienvenues mais méritent d'être précisées.


Conclusion :

Si le Processus de Barcelone a initié un projet d'intégration régionale
en Méditerranée, ce processus d'intégration n'en est encore qu'à ses
débuts et a surtout pris la forme d'une coopération politique,
économique et culturelle présentant de nombreuses limites. Le 13
juillet prochain, les chefs d'Etat réunis à Paris lanceront l'Union
pour la Méditerranée. Inscrite dans la continuité du Processus de
Barcelone, l'UPM constitue une occasion de relancer l'intégration
euro-méditerranéenne. Ceci suppose de renforcer la dimension politique
et de développer des projets à la hauteur des défis économiques,
écologiques et humains existants. Nous avons soulignés ici quelques
conditions de l'émergence d'une région euro-méditerranéenne intégrée
capable de répondre à ces défis. C'est un enjeu majeur pour ne pas
décevoir les attentes des populations du pourtour méditerranéen.




[1] Ce texte a été initialement présenté à la
conférence "Maghreb 2030 dans son environnement euro-méditerranéen et
dans la perspective de l'Union pour la Méditerranée", tenue à Shkirate,
le 23-24 mai 2008.
[2] L'intégration régionale de l'Amérique
centrale a été rendue possible par la fin des guerres civiles qui ont
affecté la région jusqu'au début des années 1990.
[3] On se reportera utilement à la Communication
de la Commission européenne présentée à cette occasion : "Dixième
anniversaire du partenariat euro-méditerranéen : un programme de
travail pour relever les défis des cinq prochaines années".
[4] Sur ce point on se reportera à l'analyse
détaillée du même auteur, " Les défis politiques et économiques de
l'Union pour la Méditerranée", Questions d'Europe n°93 – Policy Papers
de la Fondation Robert Schuman, 25 mars 2008 ; http://www.robert-schuman.eu/question_europe.php?num=qe-93
[5] Voir par exemple le Discours de Tanger, prononcé le 23 octobre 2007 ; http://www.elysee.fr/documents/index.php?mode=cview&press_id...
[6] "Comment construire l'Union méditerranéenne
?", Rapport d'information de l'Assemblée nationale, sous la présidence
de Renaud Muselier, décembre 2007
[7] On se reportera utilement aux propositions
présentées par Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire d'Etat chargé des
affaires européennes, lors de la séance de clôture du Forum de Paris
consacré à l'Union pour la Méditerranée, le 20 mars 2008.
[8] Conférence de presse conjointe de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel à Hanovre le 3 mars 2008.
[9] Communication de la Commission européenne, COM(2008) 319 (Final), 20 mai 2008.
[10] L'analphabétisme désigne l'incapacité à lire ou à écrire.



Directeur de la publication : Pascale JOANNIN




La Fondation Robert Schuman, créée en 1991 et reconnue d'utilité publique, est le principal
centre de recherches français sur l’Europe. Elle développe des études sur l’Union européenne et ses
politiques et en promeut le contenu en France, en Europe et à l’étranger. Elle provoque, enrichit et
stimule le débat européen par ses recherches, ses publications et l'organisation de conférences. La
Fondation est présidée par M. Jean-Dominique GIULIANI.

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